VINCENT TOH BI IRIÉ Ex-Préfet d’Abidjan : « Il faut accompagner les initiatives de développement »

Depuis sa démission de son poste de Préfet d’Abidjan, Vincent Toh Bi Irié s’investit dans des actions en faveur des populations ivoiriennes. Le président de l’Ong “Aube Nouvelle” parle de ses activités, du rôle et des missions du corps préfectoral et des élus locaux. Il jette également un regard sur les initiatives de développement des collectivités territoriales. Interview avec “Les Elus Magazine”. C’est exclusif !

Que devient l’ex Préfet d’Abidjan Vincent Toh Bi Irié ?

En tant que citoyen, je contribue au développement de mon pays, mais à des niveaux différents. Avec des personnes qui partagent les mêmes idées, nous avons créé une ONG qui s’appelle ‘’Aube Nouvelle’’, qui a essentiellement quatre (4) missions. La première porte sur la participation citoyenne : amener les populations à adhérer à toutes les initiatives de développement, qu’elles viennent des personnes privées, du gouvernement ou d’autres structures internationales. C’est un élément important dans la gouvernance de nos jours. Le deuxième axe concerne le développement du leadership. Le troisième axe est centré sur les échanges d’expériences. Dans les corporations, il y a des gens qui ont une somme d’expériences, mais qui ne se rencontrent souvent pas, ne se parlent pas, ne mettent pas en commun les expériences souhaitées. La quatrième mission, c’est la réflexion prospective. Écrire, analyser, projeter sur ce que sera la Côte d’Ivoire, l’Afrique de demain. Nous croyons en ce pays et ce continent et pensons qu’il y a d’extraordinaires capacités humaines qui pourraient transformer nos pays en des espaces de bonheur et de paix. Nous croyons en la puissance de nos valeurs pour la transformation culturelle et psychologique.

Le champ d’action de l’ONG “Aube Nouvelle” est-il limité seulement au plan national ?

Non, nous avons des points focaux dans plusieurs pays à travers le monde. Il y a des gens qui sont volontaires, en Amérique, Europe, Asie, Afrique. Nous avons également des représentants dans toutes les localités de la Côte-d’Ivoire.

Vous êtes un adepte du numérique avec une forte présence sur les réseaux sociaux. Comment vous est venu l’amour pour ce canal de communication ?

Ce n’est pas que nous ayons de l’amour pour ce canal de communication. C’est un impératif du développement. J’entends certains décideurs publics dire que Facebook appartient aux enfants. Ça, c’est un problème ! C’est de cette manière que l’Afrique a raté des aspects importants de son développement, notamment dans le domaine des technologies, en n’acceptant pas certains modes de gestion modernes et avant-gardistes, justement à cause de cette résistance au changement. Aujourd’hui, Facebook est un moyen de communication qui change toute notre vie. Vous pouvez appliquer la connaissance dans toutes les matières, avoir toutes les informations sur Facebook, en communiquant avec les populations. Il s’agit de s’adapter à son temps.

Il y a certes des moyens traditionnels comme la radio, la télévision, le journal papier et autres, mais il y a aussi l’impact des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ce n’est donc pas que j’ai aimé Facebook. Mais c’est la réalité aujourd’hui. J’utilise ce canal comme beaucoup d’autres Ivoiriens. Même le président de la République, le Premier Ministre, les autorités, les chefs de villages ont un compte Facebook. Ne pas en disposer serait anachronique pour des décideurs et corromprait la question de la gouvernance dont la redevabilité dans la gestion des affaires publiques. Voici un peu le fondement de mon implication dans les activités sur les réseaux sociaux.

Sur les réseaux sociaux, vous vous passionnez pour la biographie et le parcours de certains experts dans leur domaine. Alexandre Ndia, Konnie Touré, Alpha Blondy, Pr Lasme Bethe, Max Gradel… Ce sont des personnes que vous connaissez ou c’est juste que leur parcours vous semble inspirant ?

Je vous ai dit tantôt qu’à ‘’Aube nouvelle’’, nous avons quatre axes. Les parcours que vous voyez font partie de notre promotion du leadership. Il n’y a pas meilleur cours de leadership que lorsque des personnes que vous prenez comme modèles content leurs propres vies, leurs chutes, leurs doutes, leurs parcours, leurs audaces, leurs innovations, leur défiances des normes établies, etc..

Nous projetons des modèles dans tous les domaines. Je me suis demandé si nous faisions assez pour promouvoir les modèles nationaux pour une jeunesse orientée vers l’excellence. C’est de cette logique que nous avons écrit notre dernier livre, ITINÉRAIRES… (le 7eme livre en un an, qui présente 23 hommes et femmes anonymes ou célèbres. Je ne connais pas personnellement 2/3 des personnes que j’ai présentées. Ce ne sont pas des amis mais des repères et des modèles de combativité, de détermination, d’audace et de courage. Le livre est en librairie depuis le 27 Décembre 2022.

On le voit, Vincent Toh Bi a un amour pour l’écriture. Si vous aviez embrassé la carrière de journaliste, dans quelle spécialité vous orienteriez-vous et à quelles personnalités au plan national et international auriez-vous adressé des demandes d’interview ?

Je ne suis pas un communicant. Je n’ai jamais fait de module, encore moins une heure de formation dans un domaine de communication. J’ai plutôt fait de la sociologie. J’étais un acteur du développement international puis local. Je suis un acteur de développement national. Mon approche est sociologique. Que veulent les populations, les personnes qui sont en face de moi ? Qu’est-ce que je veux par rapport à ces personnes ? Je ne connais pas le métier de journaliste, mais ce sont des éclaireurs, éveilleurs des consciences. Si j’étais journaliste, je solliciterais des interviews à des personnes qui sont dans les domaines en lien avec le renouvellement de la pensée, de la découverte, de l’innovation, qui participent aux dynamiques de développement communautaire et national. Pendant vos fonctions de Préfet d’Abidjan, vous étiez présent dans les communes du District autonome d’Abidjan.

Mais aujourd’hui, vous apparaissez de moins en moins. Est-ce un choix ou une contrainte ?

Il y a des niveaux de responsabilités, où votre présence au front des événements sociaux est un impératif. Mais quelle est la pertinence de ma présence sur des sujets brûlants si je n’exerce pas ces responsabilités qui le justifient ? D’autres personnes les exercent beaucoup mieux que moi. C’est à elles de faire ce travail. Il ne faudrait pas vous arroger des prérogatives qui ne sont pas les vôtres. Les lois vous donnent des missions, des compétences à un moment particulier, correspondant à votre titre, fonction, grade. Dès que vous n’avez plus ce titre, ces fonctions cessent. Vous n’êtes plus habilité à le faire.

Le gouvernement ivoirien est au travail. Il a entrepris des chantiers de construction d’infrastructures routières, hospitalières, etc. Pourrait-on avoir un commentaire de l’ancien Préfet ?

Dans mes fonctions antérieures, j’étais le représentant du président de la République, notamment à Abidjan. A ce titre, j’avais pour mission d’accompagner toutes les actions de développement, humain, géographique, économique, sportif, social, artistique, culturel, politique, religieux, etc. J’ai assuré la défense des différents projets. Il y a des efforts remarquables qui ont été fournis. Toutes les institutions internationales, les opinions sont d’accord que la Côte d’Ivoire a fait un bond important en matière de développement. Chaque année, je fais le tour du pays, comme ce fut le cas en 2020, 2021, 2022. Vous voyez de grands travaux, même s’il y a encore beaucoup à faire dans de nombreux autres domaines sociaux, politiques et de développement. Le progrès ne s’arrête pas. Il faut accompagner ces initiatives de développement, avec notamment la prévention des conflits, sans oublier le renforcement du bien-être des populations. C’est en cela que le travail des Ong est nécessaire. Il faut encourager également le travail des maires, des collectivités locales, pour perpétuer ces actions, afin que les populations ressentent davantage tout cela au niveau local.

A votre avis, comment les collectivités territoriales pourraient-elles s’y prendre pour mieux servir leurs populations ?

On parle souvent de collectivités territoriales sans même se référer à leur origine, ce pour quoi elles ont été créées. Pourquoi il était nécessaire de mettre des gestionnaires intermédiaires du développement entre le gouvernement et la masse. En réalité, il est évident qu’on ne peut pas parler de développement sans qu’il y ait des représentants légitimement reconnus par les populations, pour amener ces dernières à participer aux différentes initiatives. Le développement local est complémentaire de tous les efforts nationaux et centraux. Les acteurs du développement local, qu’ils soient des acteurs déconcentrés, des sous-préfets, ou décentralisés, maires, présidents de Conseils régionaux, leurs actions, connaissances, anticipations, proactivité, en matière de développement, sont les meilleurs canaux de succès d’un pays, de la base au sommet, pour relever le niveau de vie des populations. C’est donc ce mouvement continu qui crée un développement harmonieux, qui fait que les populations s’y intéressent et s’épanouissent.

Alors quel est le but réel d’une collectivité ?

Les collectivités locales ont pour but de s’approprier les actions de développement, de les impulser, d’accompagner les initiatives centrales du gouvernement et des politiques publiques. Elles inspirent également la prise de décision nationale pour le bonheur des populations. La légitimité des représentants locaux rend facile la collecte des impôts, taxes. Les administrés étant convaincus que cet argent va servir à la réalisation des infrastructures, au bien-être de tous. Le leadership local à la tête des entités décentralisées est un pré requis nécessaire.

Monsieur le Préfet, selon vous, le leadership des autorités locales peut-il avoir un impact sur le développement local ?

Oui ! C’est ce que je disais tantôt. Je vous parlais de formation. Il y a un lien avec le sous-développement. Je fais le tour de la Côte d’Ivoire chaque année avec beaucoup de jeunes. Il y a des endroits où il n’y pas de leadership, c’est-à-dire que le chef ne sait pas comment régler les palabres, les conflits… Il ne sait pas comment mettre en commun les politiques. Il travaille pour un parti politique, pas pour les populations. Ou alors les populations ne savent pas la direction opportune dans laquelle le chef les envoie. Je parle donc des chefs au niveau des villages. Au niveau des maires, il y a également des conseils municipaux qui ont des fonctionnements difficiles, soit parce qu’ils n’ont pas de moyens, soit parce qu’ils ne s’entendent pas entre eux. Il y a également des gens qui ont été élus, mais qui n’ont ni la poigne, ni la fertilité d’esprit nécessaire, pour pouvoir conduire la collectivité. Et ça, c’est un problème. Dieu merci, on a beaucoup d’acteurs aujourd’hui qui sont expérimentés. Vous avez des ministres, des directeurs généraux, des chefs d’entreprises, des personnes outillées, des leaders d’opinions qui sont à la tête de certaines communautés locales et qui savent exactement ce que les populations veulent. Il y a de petites localités en Côte d’Ivoire où quand vous arrivez, vous êtes émerveillés. Elles ont quand même un minimum de propreté, d’ordre, de stabilité, de sécurité. Les leaders locaux doivent avoir cette capacité. J’ai parlé des élus. Il y a aussi la question des Sous-préfets et préfets qui, eux, sont formés pour développer. Un préfet n’est pas quelqu’un qui doit rester dans un fauteuil. C’est un animateur du développement, un développeur local. C’est lui qui impulse, coordonne, ordonne les actions de l’Etat, au niveau de sa circonscription, qui a tous les pouvoirs de l’exécutif pour coordonner. C’est important que toutes ces personnes, qui animent localement, soient conscientes de leur rôle, continuent à se former, à bénéficier également de l’encadrement du gouvernement, pour que toutes les actions au niveau local permettent d’appuyer les actions du développement du président de la République. Si l’on vous demandait de proposer quelques solutions de leadership de la gestion de la cité par les élus, sur quoi mettriez-vous l’accent ? D’abord la qualité du leadership, parce qu’un leader, ce n’est pas celui qui est devant, c’est celui qui tire les autres, la communauté vers le haut. On peut être Maire, Président de Conseil Régional, Ministre, responsable d’une grosse administration sans être un leader. Le leadership qualitatif se cultive par une formation permanente et un renouvellement des énergies. Je suis pour tous les instruments prouvés aujourd’hui comme étant puissants pour développer le leadership.

Beaucoup de personnes confondent le rôle du maire, du préfet, du Conseil régional, du District et même du gouvernement. Pouvez-vous nous éclairer sur ces différents rôles ?

Un maire, c’est quelqu’un qui est élu à la tête d’une circonscription, appelée une commune. Il a une personnalité juridique et dispose de moyens propres, jouit d’une autonomie dans certains domaines. Le maire assure donc les actions de développement à la tête de sa commune, qu’elle soit une commune de grande envergure telle que Yopougon, Abobo, Cocody, Plateau, Port-Bouët… ou de petite envergure comme Mayo, Gbéléban, etc. C’est ça le rôle du maire. Le président du Conseil régional a pratiquement les mêmes compétences que le maire, mais à un niveau régional. Il a sous lui beaucoup de communes, de sous-préfectures et de départements. Il a une capacité financière un peu plus grande, souvent des budgets plus importants à l’intérieur du pays. Il harmonise tout le développement des sous-préfectures, des départements et de toutes les communes de la région. Le district autonome, lui, est une entité supérieure qui comprend beaucoup de régions à la fois. C’est un mélange de déconcentration et de décentralisation. Souvent, les régions sous un district autonome ont une certaine homogénéité culturelle ou géographique, partagent des valeurs, souvent la même histoire, la même démographie, le même peuplement. Enfin, les Préfets et Sous-préfets sont les représentants du président de la République sur tous les territoires où ils sont. Ils sont les représentants de l’administration déconcentrée. A la tête d’une région, il y a un Préfet de région. A la tête d’un département, vous avez un Préfet de Département. A la tête d’une Sous-Préfecture, il y a le Sous-Préfet. Dans l’Etat de Côte d’Ivoire, à part le président de la République, un préfet ou Sous-préfet a le droit d’avoir le drapeau sur la rampe de son véhicule, pour marquer son rôle, la puissance de l’exécutif. Il coordonne tout, y compris les actions des maires. Tout ce que fait le président de la République, au niveau national, c’est ce que le préfet de région fait au niveau de sa région, le préfet fait au niveau du département et c’est ce que fait le sous-préfet au niveau de sa sous-préfecture. Il coordonne le développement, il assure la fluidité de l’information et le suivi entre les populations et le gouvernement. Le préfet et le sous-préfet sont les représentants légaux du président de la République, de l’exécutif sur le territoire national.

Avant de terminer, quelles sont les perspectives de l’Ong, ‘’Aube nouvelle’’ pour l’année 2023 ?

Nous avons un programme triennal axé sur ce que nous voulons faire. Chaque année, nous faisons des adaptations pour être sûr d’être en phase avec le contexte politique, social, économique, etc. Nous avons fait de la prévention des conflits un travail essentiel. Sans paix, pas de développement. Nous poursuivrons nos visites de terrain et nos formations.

Avez-vous un message pour les Ivoiriens avant de clore cet entretien ?

Notre mot de fin s’adresse plutôt à vous. J’ai vu le développement des différentes étapes de votre magazine, ‘’Les Élus”. Ce que je peux dire, c’est que vous ayez plein succès ! Je le répète, c’est comme cela qu’on développe un pays. Personne ne vous a donné de financements. Personne ne vous a poussé dans le dos pour prendre cette initiative. Vous avez décidé de vous attacher au développement local, en parlant aux élus, pour qu’ils soient le fer de lance du développement. Nous prions Dieu que vous ayez beaucoup de courage, que vos messages soient entendus, que vos actions soient suivies et que votre magazine soit toujours plus fort.

 

 

 Any Puchérie/ Carlos Alleluia/ Aman Roger

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