Dans sa volonté de rapprocher les services judiciaires des populations ivoiriennes, l’Etat de Côte d’Ivoire a entrepris la construction de tribunaux de première instance (Tpi) dans les différentes régions du pays. C’est ainsi que l’institution judiciaire de San Pedro a vu le jour. ‘’Les Élus” Magazine a approché la présidente du Palais de San Pedro, capitale du BasSassandra, pour en savoir davantage sur le fonctionnement de cette institution.
Bonjour Madame, ils sont nombreux ceux qui voudraient connaître la présidente du Tribunal de première instance de San Pedro. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis Mme Eugénie Niamien Doukrou, magistrat, présidente du tribunal de première instance de San Pedro.
Depuis quand êtes-vous à la tête de ce tribunal ?
J’ai été nommée à la tête de ce palais depuis octobre 2018. Le tribunal en lui-même a commencé à fonctionner véritablement en juillet 2019.
Parlez-nous des caractéristiques du palais, en termes de superficie, de sections…
Comme vous le constatez, c’est un très bel édifice bâti sur environ trois hectares, qui comporte deux grands bâtiments, avec une soixantaine de bureaux. Le palais dispose de deux grandes salles d’audience et des salles de réunions.
Combien de sections comprend le tribunal de San Pedro ?
Comme c’est un tribunal de première instance, il a des sections détachées. Ce sont les sections de Sassandra, Soubré et Tabou, qui dépendent du tribunal de San Pedro.
Dites-nous, madame la présidente, quelle est la portée sociale de cette réalisation ?
Je dirais que ce sont des initiatives à encourager. Ces justices de proximité apportent véritablement un soulagement aux populations bénéficiaires. Avant, ici à San Pedro, les gens devaient subir les affres de la route pour aller à Sassandra, pour obtenir justice. Les populations étaient obligées d’y aller même pour se faire établir les documents administratifs dont elles avaient besoin. Avec cette réalisation, elles gagnent désormais en temps et en argent, car n’effectuant plus de longs déplacements coûteux.
Quels sont les domaines de compétence de l’institution que vous présidez ?
Le palais est un tribunal de droit commun, qui traite de tous les contentieux. Seulement, comme la maison d’arrêt n’est pas encore fonctionnelle, les affaires correctionnelles relèvent toujours des sections de Sassandra et de Tabou. Mais c’est le parquet de San Pedro qui coordonne et supervise les enquêtes.
Alors quand est-ce que la section correctionnelle de San Pedro sera-t-elle opérationnelle ?
Les affaires correctionnelles démarreront une fois que les travaux de construction de la Maison d’arrêt seront terminés. Nous espérons pouvoir démarrer début 2023.
Combien d’audiences enregistrez-vous dans le mois, voire l’année ?
Je ne saurais vous donner les statistiques, vu les circonstances. Mais je peux vous dire que dans la semaine, nous avons au moins quatre (4) audiences. Les mardis, les affaires relatives aux contentieux, les mercredis pour les affaires d’état civil, les jeudis pour le tribunal du travail, des affaires sociales, les vendredis, pour les audiences sous tutelle.
Peut-on avoir une idée des documents administratifs délivrés au sein du tribunal ?
Comme dans toutes les juridictions, il s’agit entre autres des certificats de nationalité, des casiers judiciaires, des registres de commerce, des actes d’individualité. Sauf les documents relatifs au volet pénal, cette section ne fonctionnant pas pour le moment.
Pouvez-vous nous dire quelle est la durée moyenne de traitement desdits documents ?
Au niveau du Tribunal, nous nous sommes assigné une certaine célérité. Nous voulons que les actes soient délivrés dans de meilleurs délais. Pour les certificats de nationalité, par exemple, la délivrance se fait 24 heures après le dépôt. Pour ce qui est des jugements, dossiers de plein contentieux, nous donnons en moyenne deux mois, souvent moins que ça.
Certaines populations disent ne pas être informées de l’existence d’un tribunal à San Pedro. Que comptez-vous faire dans ce sens ?
Je pense que quand le tribunal sera inauguré, de façon officielle, toutes les couches sociales en auront davantage une idée. Pour San Pedro commune, beaucoup de personnes savent que le tribunal est ouvert. Elles ne vont donc plus à Sassandra pour se faire établir des actes. Et de bouche à oreille, le message passe au fur et à mesure.
Dans l’exercice de votre fonction, rencontreriez-vous des difficultés au quotidien ?
Oui, comme tout chef d’institution. C’est un challenge, puisque c’est une nouvelle juridiction. Pendant longtemps, San Pedro est resté sans tribunal. Du coup, il y a des tribunaux de fait qui se sont érigés sur le terrain, dans les unités de gendarmerie, commissariats, avec la floraison des huissiers de justice, devenus Commissaires de justice. Il y a une certaine justice de fait qui s’est établie. Ce sont des habitudes difficiles à déraciner. C’est à cela que nous nous attelons. Nous avons ici et là des pseudos Commissaires de justice, installés partout dans la ville. La loi dit que celui qui établit un acte, alors qu’il n’est pas habilité à le faire, ces actes produits sont nuls. Et ce sont les populations qui en pâtissent. Car en pareilles circonstances, nous sommes obligés de déclarer leurs actes irrecevables.
Quelles sont les actions que vous menez dans ce sens, surtout à l’endroit des populations ?
Nous faisons de la sensibilisation. Lors des audiences, chaque fois que je dois annuler des actes, les assignations ne sont pas régulières. Je dis à l’auditoire, aux populations de se tourner vers les bonnes personnes, les vrais Commissaires de justice.
Du fait de ces obstacles, vous arrive-t-il, par moments, de vouloir claquer la porte ?
Non ! Il n’est pas question pour nous de renoncer à quoi que ce soit. C’est un challenge. La justice de proximité est l’un des objectifs visés par l’Etat de Côte d’Ivoire, via le ministère de la Justice. Donc nous devons aider à y parvenir. C’est une nouvelle juridiction, nous devons y contribuer, chacun à son niveau, pour que la justice soit accessible à tout le monde. Ce sont des défis que nous devons relever.
Parlant de défis, quelles sont vos perspectives pour le tribunal de San Pedro ?
Nous avons l’ambition de faire du tribunal de San Pedro une juridiction performante, en termes de la qualité des décisions qui seront rendues, de célérité dans la délivrance des actes de justice.
Madame la présidente, au terme de cet entretien, quel est votre message à l’endroit de l’ensemble des populations ?
Comme une terre assoiffée d’eau, San Pedro vient d’avoir son tribunal. Nous sommes là pour dire le droit, répondre aux attentes des populations. Nous les invitons à se rapprocher de la juridiction, à contacter le personnel pour toutes sortes de préoccupations. Nous leur demandons également de nous signaler leurs griefs si elles se sentent lésées par certains comportements, nous faire part de leurs attentes du tribunal, via nos boîtes de suggestions et les numéros verts. Nous sommes ouverts et réceptifs à leurs préoccupations, pour la bonne marche de la juridiction.