Engagée à promouvoir le leadership et l’entrepreneuriat en Afrique, Médissa Sama Padassé rêve d’une Afrique dans laquelle les femmes et les jeunes parviennent de façon définitive à l’autonomisation. Conférencière et Mentor chevronnée, Formatrice certifiée, Médissa est également Directrice générale du cabinet d’expertise et de mentorat Yililm au Togo, où elle est également promotrice de restaurant et écrivaine.
Profitant de son récent passage sur les bords de la lagune ébrie, « les Élus » magazine s’est entretenu avec cette femme boulimique de mentorat pour découvrir ce secteur. Entretien.
Mme Sama Médissa, peut-on vous connaître tant à l’état civil que professionnel ?
Je suis Sama Médissa, épouse Padassé, Togolaise, chef de trois (3) entreprises dont le Cabinet Yilim, spécialisé dans le mentorat et l’expertise en entreprise. J’ai un profil de manager en projet de passation des marchés. J’ai une Licence en éducation spécialisée. , Je suis formatrice certifiée du Bit et Bridge, et enfin, je suis promotrice d’un espace gastronomique.
Nous savons que vous êtes très active dans toutes les activités liées à la jeunesse et la femme. Un fait particulier vous a-t-il poussé à faire ce choix ?
Le choix des femmes d’abord, parce qu’elles sont des managers nées. Pour moi, le développement du continent ne peut se faire sans l’implication de plus de la moitié de la population africaine. Je me suis aussi rendu compte que les femmes sont multitâches de nature, capables de faire plusieurs choses, sans s’essouffler et sans le trouver anormal.
Mais les femmes n’arrivent pas à explorer leurs potentiels. Que ce soit en entreprise, en politique, dans la société civile ou même dans la famille.
Pourtant, la femme a un rôle si important que lorsqu’elle ne l’assume pas, elle prive la société de certaines choses…
Oui, en effet. Si nous prenons le cas d’une femme qui ne fait que répondre de façon affirmative, elle prive son époux des orientations précieuses pour faire de lui un grand homme. Elle se prive aussi de la capacité d’être autonome pour offrir à sa famille une vie beaucoup plus complète en termes de choix d’éducation, de soin de santé et de cadre de vie. En réalité, c’est l’image d’une personne assise sur de l’or, mais qui meurt de faim. Voilà pourquoi la question de la femme m’intéresse de façon particulière.
Qu’en est-il de la jeunesse ?
Concernant la jeunesse qui occupe 70% de la population africaine, il faut remarquer que cette frange de la population est désorientée, confuse et désespérée. La formation qu’elle reçoit n’est pas en accord avec les réalités du marché. Il y a lieu de bien encadrer cette jeunesse, qui a beaucoup plus d’énergie, d’adrénaline, afin de la mettre au cœur du développement de notre continent.
De la formation à l’entrepreneuriat, il n’y a qu’un pas. Alors quelles sont les étapes fondamentales de l’entrepreneuriat, selon vous ?
L’entrepreneuriat n’est pas une porte de sortie, quand ça n’a pas marché ailleurs. C’est un métier qui a ses exigences. Quand une personne ne peut pas travailler pour quelqu’un, il lui sera impossible de travailler pour lui-même. Il faut donc procéder à une remise en question pour trouver les vraies motivations pour lesquelles cette personne voudrait se lancer à son propre compte.
D’abord, il faut faire l’audit de sa personnalité qui met en relief nos forces, nos faiblesses, nos menaces, les opportunités, le réseau à avoir, le carnet d’adresses qu’il faut mettre à profit, connaître la force de ce réseau, etc. Ensuite, montrer la visibilité de son produit. Qu’est-ce qu’on offre pour mieux se positionner ? Après cela, il faut un mentor, un guide. Savoir s’entourer de personnes capables de vous conseiller, de vous motiver, de vous inspirer et capables de partager leurs réseaux avec vous, est un atout considérable. Le mentor n’est pas forcément quelqu’un de son entourage, mais quelqu’un qui vous apporte un plus.
Après ces quatre (4) aspects réunis, il faut aller à l’information et la formation : s’informer tout le temps, avoir la veille informationnelle est fondamentale. Participer à des formations, des panels, faire beaucoup la lecture, contacter des personnes qui sont déjà passées par cette expérience. Il faut être gourmand mentalement. Un bon entrepreneur, c’est celui qui investit sur lui-même.
Vous êtes l’initiatrice de la ‘’semaine du jeune et de la femme entrepreneur’’. De quoi est-il réellement question dans cette activité ?
C’est un rendez-vous d’opportunités. L’idée est partie d’un constat. Les entrepreneurs qui sont à leurs débuts, n’ont pas les moyens de payer leurs formations, afin d’avoir toutes les informations nécessaires. Et beaucoup de jeunes se sont lancés dans l’entrepreneuriat par manque de boulot, sans en connaître les rouages, sans en avoir les outils, ni comment avoir son mentor. Il y a aussi le souci de la visibilité. Bon nombre de jeunes et de femmes font des choses extraordinaires. Mais ils ont du mal à être visibles face aux multinationales qui, elles par contre, sont plus efficaces avec leur challenge.
Cet évenement réunit donc à la fois gouvernement, société civile, entrepreneurs, étrangers, partenaires du réseautage favorable pour la bonne marche des entreprises.
Vous faites-vous accompagner par le gouvernement ?
Oui en effet, différents départements ministériels nous accompagnent. Nous travaillons avec les ministères du Développement, de l’Emploi jeune, du Commerce, de l’Industrie et de la Consommation locale, le ministère du Tourisme et de la Culture, le ministère de la Décentralisation et du Développement des territoires, le Patronat et la Chambre du Commerce plus quelques organes de la société civile et les mairies. Je profite pour dire merci à toutes ces institutions.
Il existe plusieurs activités de ce genre, mais qu’est-ce qui vous différencie des autres ?
A ce rendez-vous, il y a des expositions et des panels de renforcement de capacités par des mentors. Ce sont des experts qui ont cinq (5) à trente (30) ans d’expériences.
Il y a des professionnels du domaine, le gouvernement et des chercheurs d’Université qui tiennent des thématiques sur les problèmes réels des participants.
Voilà pourquoi, bien avant l’activité en question, nous nous rendons dans les régions pour rencontrer les entrepreneurs, afin de connaître leurs problèmes. Nous misons sur le coaching des exposants, car tout n’est pas question d’exposition, mais aussi de savoir exposer, savoir présenter ses produits, avoir une bonne stratégie d’approche, savoir-faire son training, connaître son produit. Et puis, il y a le ‘’Be to Be’’ pour ceux qui veulent développer leurs compétences et tisser de meilleures relations, à l’effet d’organiser des tables rondes. Nous terminons enfin, par le bal des entrepreneurs pour voir l’impact de l’activité.
Comment se comportent les personnes que vous coachez, après tout ce boulot ?
Le bal nous permet d’observer ces entrepreneurs-là. Nous les évaluons après trois mois. Notre activité a impacté aujourd’hui environ 500 entrepreneurs. Nous en avons retenu 100 dont 45 se sont démarqués. Certains ont été retenus pour être accompagnés et financés. D’autres ont soumis leurs candidatures pour un stage de trois (3) mois en Allemagne, afin de parfaire leurs connaissances. Ce qui amène à déduire que les résultats sont positifs, grâce à Dieu.
Qu’en est-il de vos actions en termes de leadership et d’autonomisation de la femme ?
J’interviens dans sept (7) pays, donc pas seulement chez moi, au Togo. Je suis toujours présente dans le leadership et l’autonomisation des femmes. Ce qui m’intéresse généralement, c’est de faire des femmes des personnes épanouies dans leurs vies conjugales, à savoir : comment peuvent-elles impacter leur communauté ? Comment, malgré les difficultés de son partenaire, la femme peut emmener son homme à épouser son projet ? Comment pourra-t-elle rêver grand ? Comprenez donc que la femme est autonome lorsqu’elle est heureuse.
Mes interventions dans le leadership féminin ne sont pas uniquement réservées à la femme au foyer, mais aussi à la jeune fille dans les écoles. J’interviens dans des établissements scolaires, afin de préparer la jeune fille au mariage, à ses responsabilités d’épouse et de mère.
J’ai failli arriver au divorce à un moment donné, parce que je n’avais pas été préparée. Je voudrais montrer ici l’importance de cette phase préparatoire.
Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes Africains, afin qu’ils s’intéressent de plus en plus à leurs cultures ?
Je suis née et j’ai grandi au Togo. J’y ai également fait mes études. Mais j’ai eu la chance de beaucoup voyager, car mes formations intermédiaires se faisaient, pour la plupart, à l’extérieur du pays. Et je me suis rendu compte que l’Afrique est une mine d’or en termes de terroir et de culture. Nous avons une diversité à la fois dans nos langues, dans nos danses, dans nos mets, dans nos traditions, mais qui ne sont malheureusement pas valorisés. J’aimerais bien former des gens dans les villages pour qu’ils apprennent à vendre la culture dans les villes. Moi, je suis du nord du Togo et je vis au sud dans la capitale. Il m’arrive parfois de chercher des personnes qui sont dans la culture de chez moi, pour venir faire des pas de danse de chez moi et aussi partager la tradition de chez moi. J’ai un restaurant dénommé “La marmite du terroir” qui a pour slogan : “Retour à nos sources”. Nous devons revenir à nos sources, car nos cultures sont des choses qui se vendent chères, mais dont nous n’avons pas connaissance.
Que pouvez-vous dire pour clore cet entretien ?
Je suis présentement en Côte d’Ivoire et il faut que les Ivoiriens sachent qu’ils ont un beau et grand pays. C’est une bénédiction ! Les Ivoiriens sont nés avec un don et une mission particulière qui répondent aux besoins de l’humanité. Merci surtout pour l’hospitalité que vous offrez aux étrangers.
Mon mot de fin s’adresse aux trois acteurs que sont les jeunes, les femmes et le gouvernement. A ceux-là, je dis qu’il faut oser. Il faut continuer à se former et apprendre, nourrir sa curiosité, avoir un réseau et étendre son carnet d’adresses.
Au gouvernement, je dis que tout ce qu’il fait a de l’impact. Qu’il n’arrête pas de développer des programmes de projets d’accompagnement, en faveur des jeunes et des femmes. Car, qui investit sur les jeunes et sur les femmes construit un édifice pour les générations à venir.